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STANCES IRRÉGULIÈRES

POUR UN PREMIER JOUR DE L'AN

           Tel qu’un ruisseau silencieux,
Par son cristal uni, par son cours insensible,
Image du repos, en impose à nos yeux ;
Tel et plus fugitif, et plus imperceptible,
      Dans son rapide et secret mouvement,
Le moment nous échappe, et non moins sourdement
      S’écoulera le moment qui va suivre.
Mais du temps qui s’enfuit à quoi bon s’alarmer ?
Si ce n’était, Philis, qu’un jour de moins à vivre
           Est un jour de moins à s’aimer.

Les Dieux ont dit au Temps : Tu marcheras sans cesse ;
Mais l’éternel décret ne lui permettant pas
      D’accélérer ou d’étendre son pas,
Apprends comment on peut le gagner de vitesse.
           Le bonheur ! pour un seul instant,
           Compte plus d’une jouissance :
Hâtons-nous donc, Philis, aimons-nous tant et tant,
Que d’un même plaisir maint autre résultant,
Nous dérobions au temps quelques lustres d’avance.

               Tandis qu’un sable mobile,
               La mesure de nos jours,

1. Publié pour la première fois par Auguis, dans les Révélations indiscrètes du XVIIIe siècle.