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ÉLÉMENTS DE PHYSIOLOGIE.

De quoi parlent-ils ? Est-ce de l’homme réel ou de l’homme idéal ?

Ce ne peut être de l’homme réel, car il n’y a pas sur toute la surface de la terre un seul homme parfaitement constitué, parfaitement sain.

L’espèce humaine n’est donc qu’un amas d’individus plus ou moins contrefaits, plus ou moins malades. Or, quel éloge peut-on tirer de là en faveur du prétendu Créateur ? Ce n’est pas à l’éloge, c’est à une apologie qu’il faut penser.

Ce que je dis de l’homme, il n’y a pas un seul animal, une seule plante, un seul minéral dont je n’en puisse dire autant.

Si le tout actuel est une conséquence nécessaire de son état antérieur, il n’y a rien à dire. Si l’on en veut faire le chef-d’œuvre d’un Être infiniment sage et tout-puissant, cela n’a pas le sens commun.

Que font donc ces préconiseurs ? Ils félicitent la Providence de ce qu’elle n’a pas fait ; ils supposent que tout est bien, tandis que, relativement à nos idées de perfection, tout est mal.

Pour qu’une machine prouve un ouvrier est-il besoin qu’elle soit parfaite ? Assurément, si l’ouvrier est parfait.

de l’homme abstrait et de l’homme réel.

Deux philosophes disputent sans s’entendre ; par exemple, sur la liberté de l’homme.

L’un dit : l’homme est libre, je le sens. L’autre dit : l’homme n’est pas libre, je le sens.

Le premier parle de l’homme abstrait, de l’homme qui n’est mû par aucun motif, de l’homme qui n’existe que dans le sommeil, ou dans l’entendement du disputeur.

L’autre parle de l’homme réel, agissant, occupé et mû.

Histoire expérimentale de celui-ci. Je le suis et je l’examine.

C’était un géomètre[1]. Il s’éveille ; tout en rouvrant les yeux, il se remet à la solution du problème qu’il avait entamé la veille. Il prend sa robe de chambre, il s’habille sans savoir ce qu’il fait. Il se met à sa table ; il prend sa règle et son compas ; il trace des lignes ; il écrit des équations, il combine, il calcule

  1. Voir le Rêve de d’Alembert, t. II, p. 175.