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LETTRE D’ENVOI


J’ai satisfait à votre désir autant que la difficulté du travail et le peu d’intervalle que vous m’avez accordé me le permettaient. J’espère que l’historique de ces dialogues en excusera les défauts.

Le plaisir de se rendre compte à soi-même de ses opinions les avait produits, l’indiscrétion de quelques personnes les tira de l’obscurité, l’amour alarmé en désira le sacrifice, l’amitié tyrannique l’exigea, l’amitié trop facile y consentit, ils furent lacérés[1]. Vous avez voulu que j’en rapprochasse les morceaux, je l’ai fait.

Ne soyez donc pas surpris d’y trouver des écarts, de l’obscurité, des termes impropres dans un sujet qui n’en comporte point, des vues ébauchées, des conjectures trop hardies, des preuves trop faibles et un désordre poussé fort au delà du libertinage de la conversation.

Ce n’est ici qu’une statue brisée, mais si brisée qu’il fut presque impossible à l’artiste de la réparer. Il est resté autour de lui nombre de fragments dont il n’a pu retrouver la véritable place.

Je commencerai par ces fragments dont votre sagacité fera peut-être bon usage, en vous indiquant les endroits qui les rappellent.

On m’a dit qu’il y avait primitivement dans l’ouvrage de

  1. Nous avons dit (t. II, p. 104), d’après Naigeon, que Mlle  de l’Espinasse avait fait demander par d’Alembert à Diderot la suppression du manuscrit du Dialogue et du Rêve, et que Diderot avait cédé à cette pression.