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Pour le porter en devant, il faut que les fibres antérieures se contractent avec un nouveau degré de force et que les postérieures se relâchent dans la même proportion ; et qu’au contraire, lorsqu’on le porte en arrière, les fibres antérieures se relâchent et les postérieures se contractent. Or, il est évident que, dans ces trois positions différentes, la forme du muscle deltoïde qui compose, comme je l’ai dit, la partie la plus saillante de l’épaule, paraîtra très-différente, ce qui doit faire varier d’autant plus la forme de l’articulation du bras avec l’épaule, que ces différentes actions exigent le concours de plusieurs autres muscles dont les mouvements sont plus ou moins sensibles à l’extérieur ; attention qu’aucun peintre ni sculpteur ne paraît avoir eue. Pour déterminer la forme particulière qu’on doit donner à cette partie dans ces différents mouvements, il ne suffit pas, je le répète, de connaître exactement les muscles qui y concourent, leurs formes, leurs attaches, leurs connexions, il faut encore connaître les formes différentes qu’ils prennent dans leurs différents mouvements et les modifications que ces formes reçoivent de la peau et des autres enveloppes qui les recouvrent dans le vivant ; ce qu’on ne peut connaître que par des observations répétées sur un très-grand nombre de sujets, observations qui ne peuvent être faites, avec quelque exactitude, que par un homme profondément versé dans l’anatomie.

Il est un autre élément qui complique encore davantage le problème ; tout l’intervalle qui est entre la peau et les muscles et celui qui sépare les muscles les uns des autres, est rempli d’un tissu spongieux ou cellulaire, continuellement arrosé par une vapeur humide et quelquefois rempli d’une huile épaisse qui lui donne plus ou moins de volume. On sent que ce tissu, en remplissant plus ou moins les vides qui séparent les muscles, permet ou s’oppose plus ou moins qu’on distingue leurs formes. De là vient que dans les gens bien gras les contours sont beaucoup plus arrondis, plus moelleux, les formes plus pures et moins altérées.

Tout ce que nous venons de dire sur l’action des muscles qui opèrent les différents mouvements du corps est vrai de ceux qui forment les traits du visage et qui expriment les différentes affections de l’âme. Ces muscles sont, pour la plupart, très-grêles et très-isolés ; leur intervalle est rempli par une quantité considérable de ce tissu spongieux dont j’ai parlé. Lorsque ces muscles agissent peu, comme dans les hommes dont rien ne trouble la sérénité de l’âme, ces muscles se perdent, pour ainsi dire, dans cette enveloppe qui les