LES ÉLEUTHÉROMANES. 13
Je cède ma part au gâteau A celui qui, doué de la faveur insigne D’un meilleur estomac et d’une âme plus digne, Laisse arriver ce jour, sans être épouvanté De l’indigestion et de la royauté.
Une douleur muette, une haine profonde Affaisse tour à tour et révolte mon cœur, Quand je vois des brigands dont le pouvoir se fonde Sur la bassesse et la terreur, Ordonner le destin et le malheur du monde. Et moi[1], je m’inscrirais au nombre des tyrans ! Moi, dont les farouches accents, Dans le sein de la mort[2], s’ils avaient pu descendre, Aux mânes de Brutus iraient se faire entendre ! Et tu les sentirais, généreux Scévola, De ton bras consumé ressusciter la cendre[3]. Qu’on m’arrache ce bandeau-là ! Sur la tête d’un Marc-Aurèle Si d’une gloire pure une fois il brilla, Cent fois il fut souillé d’une honte éternelle Sur le front d’un Galigula.
Faut-il enfin déchirer le nuage Qui n’a que trop longtemps caché la vérité, Et montrer de l’humanité La triste et redoutable image Aux stupides auteurs de sa calamité ? Oui, oui, j’en aurai le courage. Je veux, lâche oppresseur, insulter à ta rage.