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met d’exposer avec plus de chaleur et de force, ou se précipiter dans un écart brillant. La strophe, l’antistrophe et l’épode gardent la même mesure, parce que l’ode entière se chantait par le poëte sur un même chant, ou peut-être sur un chant donné. Mais j’ai pensé que le récit se prêterait à des interruptions, que le chant et l’unité du personnage ancien ne permettaient pas. Mes strophes sont inégales, et mes Éleuthéromanes paraissent, dans chacune, au moment où il me plaît de les introduire. Ce sont trois Furies acharnées sur un coupable, et se relayant pour le tourmenter. Je me trompe fort, ou ce poëme récité par trois déclamateurs différents produirait de l’effet.

Il ne me reste qu’un mot à dire de la circonstance frivole qui a donné lieu à un poëme aussi grave. Trois années de suite, le sort me fit roi dans la même société. La première année, je publiai mes lois sous le nom de Code Denis. La seconde, je me déchaînai contre l’injustice du destin, qui déposait encore la couronne sur la tête la moins digne de la porter. La troisième, j’abdiquai, et j’en dis mes raisons dans ce dithyrambe, qui pourra servir de modèle à un meilleur poëte.

A Rome, dans une même cause, on a vu un orateur exposer le fait, un second établir les preuves, et un troisième prononcer la péroraison ou le morceau pathétique. Pourquoi la poésie ne jouirait-elle pas, à table, entre des convives, d’un privilège accordé à l’éloquence du barreau ?