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SUR DEUX MÉMOIRES DE D’ALEMBERT.

l’Encyclopédie, combien on doit parier d’amener croix en deux coups.

La réponse ordinaire, c’est que la mise est de 3 contre 1.

Celle de M. d’Alembert, c’est qu’elle est de 2 contre 1.

Pour prouver qu’elle est de 3 contre 1, on dit : il y a quatre combinaisons différentes, croix-croix ; croix-pile ; pile-croix ; pile-pile. Les trois premiers font gagner ; la seule dernière fait perdre ; donc la mise doit être de 3 contre 1.

M. d’Alembert répond : Si croix arrive du premier coup, le jeu est fini, on n’en joue pas un second. Les combinaisons croix-croix et croix-pile se réduisent donc à une. Il n’y a que trois combinaisons possibles, deux qui font gagner et une qui fait perdre : donc la mise doit être de 2 contre 1.

Il croit que la manière dont on raisonne pour prouver que la mise est de 3 contre 1 est paralogistique, et que son paralogisme s’accroît encore si le pari est d’amener croix, non pas en deux coups, mais en cent coups joués de suite ; car, dit-il, alors on traite la combinaison qui amènerait croix cent fois consécutives comme aussi possible qu’une autre ; ce qu’elle n’est pas.

On dit à M. d’Alembert : Mais la probabilité d’amener croix au premier coup est d’un demi, et ce cas est favorable.

La probabilité d’amener pile au premier coup est aussi d’un demi, et ce cas est nul.

Et dans le cas où l’on amène pile au premier coup, la probabilité d’amener croix au second coup est d’un demi multiplié par un demi, ou d’un quart, et ce cas est favorable.

La probabilité d’amener pile au second coup est aussi d’un demi multiplié par un demi, et ce cas seul est défavorable.

La somme des probabilités favorables est donc à celle des probabilités défavorables comme 1/2 est à 1/4, ou comme 3 est à 1.

Dans ce raisonnement, dit M. d’Alembert, on traite le premier coup comme le second. Or cela ne doit pas se faire, car le premier coup est certain, et le second n’est que probable. Il ajoute que, d’ailleurs, cette manière d’estimer les probabilités est sujette à toutes les difficultés qui naissent de la supposition d’une probabilité égale pour toutes les combinaisons possibles, supposition contraire au cours ordinaire des choses.