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COMPLAINTE EN RONDEAU
DE
DENIS, ROI DE LA FÈVE
SUR LES EMBARRAS DE LA ROYAUTÉ[1]


1771

Quand on est roi, l’on a plus d’une affaire,
Voisins jaloux, arsenaux à munir,
Peuple hargneux, complots à prévenir,
Travaux en paix, dangers en guerre,
Ma foi, je crois qu’on ne s’amuse guère
Quand on est roi.

Roi tout de bon ; car, d’un roi, pauvre hère
Comme il en est, j’aime assez le métier ;
J’en ai tâté pendant un jour entier.
Ce jour-là je fis grande chère ;
Je ris, je bus, tout alla bien ;
Car il est un Dieu tutélaire
Par lequel on fait tout sans se douter de rien,
Quand on est roi.

J’eus des courtisans véridiques ;
En dormant j’achevai des exploits héroïques ;
Fameux[2] à mon réveil, j’occupai l’univers ;
Vraiment, je fis des lois, je les fis même en vers.
En vers mauvais ; qui vous dit le contraire ?

  1. Dans l’édition Belin (Supplément, 1819) des Œuvres de Diderot, où a été publié pour la première fois ce morceau, il porte le titre suivant : Le Roi de la fève, le lendemain de son règne.
  2. Variante : Célèbre.