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SUR LES OBSERVATIONS
SUR
LA RELIGION, LES LOIS, LE GOUVERNEMENT
ET LES MŒURS DES TURCS[1]


TRADUIT DE L’ANGLAIS DE M. PORTER[2], PAR BERGIER.


Deux parties in-12.


1769.




N’allons pas vivre là, mon ami ! Ô le vilain pays ! il y a une grande bête féroce qui dévore toutes les bêtes féroces qui sont autour d’elle ; et celles-ci, à l’exemple de la première, dévorent toutes celles qui les approchent, et ainsi de proche en proche ; c’est un pays où tout est dévorant et dévoré. Il est très-difficile de s’instruire de ce qui le concerne. Le peuple qui l’habite, fier, solitaire et dédaigneux, ne se montre presque point ; de là, la multitude de fables qu’on a racontées. Le Koran contient toute sa religion ; mais ce Koran, interprété de cent mille manières, remplit les têtes de toutes sortes d’extravagances qui n’excitent pas la moindre dissension. Dites allah il allah, Muhamed ressoul allah : faites-vous couper le prépuce ; conformez-vous aux exercices publics religieux ; et puis soyez athée si cela vous convient, personne n’en sonnera le mot ; vous serez même un saint, si vous faites le pèlerinage de la Mecque selon toutes les formalités requises.

Il y a quelques sectes et des moines qui ne valent guère mieux que les nôtres ; des prêtres de paroisses qu’on appelle imaums, et des moulahs, espèce d’animaux amphibies, moitié robe, moitié soutane. Ces gens-ci sont plus redoutables cent fois que les janissaires et plus funestes que le despote. Ils occu-

  1. Article de la Correspondance de Grimm, faisant suite au précédent.
  2. Ci-devant ministre plénipotentiaire du roi d’Angleterre à la Porte.