Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/85

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’Homère dont il touchait les pieds, et sur laquelle il avait ses yeux attachés, échauffèrent son âme, et il chanta l’ode, l’hymne, le poëme. C’est ce poëme qu’Atticus répète ici à Néarque son ami. C’est un morceau plein d’ivresse, c’est une sublime exhortation à se remplir des poèmes d’Homère. Il paraît que Robinet et Castilhon se sont ligués : l’un pour encourager les grands à aimer, cultiver, protéger les savants ; l’autre, les jeunes gens qui se sentent du génie à faire connaissance étroite avec les Anciens. Je compléterais volontiers le triumvirat si j’en étais digne.

Le Projet pour diminuer le nombre des auteurs, traduit de l’anglais par M. Robinet, est la troisième pièce. On propose d’en faire une corporation, un corps de métier où l’on n’entrera qu’après apprentissage et chef-d’œuvre. Si c’est de la plaisanterie, cela est trop triste ; si le projet est sérieux, il n’a pas le sens commun. La liberté de publier ses pensées n’admet aucun privilège exclusif ; l’art de penser appartient de droit à toute la classe bipède des hommes ; c’est au temps à exterminer toutes les productions ridicules, et il s’acquitte de ce devoir sans que personne s’en mêle.

Extrait des Transactions philosophiques sur le serpent à sonnettes, par M. Robinet, quatrième pièce de son recueil. On sait que ce dangereux reptile ne saurait se mouvoir sans avertir par un bruit du péril de son approche. Eh oui, ces anneaux résonnants ont été attachés à la queue du serpent-sonnette par la Providence, qui ne laisse pas de vous adresser tous les jours un scélérat avec le langage le plus flatteur et sous le masque le plus séduisant. Croyez cela, vous dirait Rabelais et buvez frais : ces anneaux sont des ossements concaves des deux côtés ; on en compte depuis trois jusqu’à quarante. Cette dissertation est mauvaise ; à l’expérience près, qui constate que l’animal périt de sa propre morsure, et que les animaux qui se nourrissent même de sa tête restent sains, je n’y vois que des chiens et des oiseaux inutilement et cruellement immolés. Il y avait cependant deux choses importantes à se proposer : l’une de découvrir la partie du corps que le venin du reptile affecte intérieurement ; l’autre, le remède spécifique contre ce venin. C’est une observation singulière que le poison de chaque serpent s’adresse à une partie, à un organe particulier de l’animal qui