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RÉFLEXIONS

SUR
UN OUVRAGE PUBLIÉ À L’OCCASION
DE LA RENONCIATION VOLONTAIRE DE ROUSSEAU
AU DROIT DE CITOYEN DE GENÈVE
[1].


1764.




Il m’est tombé entre les mains un ouvrage intitulé : Représentations des citoyens et bourgeois de Genève au premier syndic de cette république, avec les réponses du conseil à ces représentations. Pour lire cet ouvrage avec attention, il me suffisait que les questions qu’on y agite touchassent de très-près à la constitution et à la tranquillité d’un peuple entier, quoique peu nombreux, et d’un peuple que je respecte.

Toutes ces questions se réduisent à celle du pouvoir négatif.

Ce pouvoir consiste dans la prérogative que les chefs s’arrogent de porter au tribunal du peuple ou de mettre au néant les représentations qui leur sont faites par leurs concitoyens.

J’ai été bien surpris de voir qu’à mesure que ma lecture s’avançait, le fond de la chose s’obscurcissait, et qu’alternativement je changeais d’opinion, donnant tort à ceux à qui je venais de donner raison, et raison à ceux à qui je venais de donner tort. Ce qui me fait penser que peut-être ils avaient raison et tort les uns et les autres. En effet, il m’a semblé :

1o Qu’il fallait absolument qu’il y eût dans une république un pouvoir négatif, sans quoi la tranquillité générale serait abandonnée à des représentations extravagantes, sur lesquelles il serait impossible que l’autorité souveraine ou populaire pût décider, sans que les citoyens ne fussent perpétuellement dis-

  1. Cet article, moins le dernier alinéa, est dans la Correspondance de Grimm sous la date du 1er  juin 1764. Les précédents éditeurs, en le reportant à 1763, le croyaient de la même époque qu’une lettre à Naigeon sur la renonciation de Rousseau, lettre qu’on trouvera dans la Correspondance, année 1763.