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et ils auraient celle de la loi ! et la vie et l’honneur des citoyens dépendraient de leur témoignage !…


« Un crime déjà commis, auquel il n’y a plus de remède, ne peut être puni par la société politique que pour empêcher les autres hommes d’en commettre de semblables par l’espérance de l’impunité. » Chap. xii.

Si l’auteur avait dit : « Un crime ne peut être puni que pour empêcher que d’autres hommes n’en commettent de semblables, ou que le même homme n’en commette de nouveaux, » il aurait senti lui-même le vice de son raisonnement. Tant que l’auteur d’un crime est caché, il est impuni, il est libre, il peut donc faire de sa liberté le même usage qu’il en a l’air. Il est donc très-utile qu’il soit découvert, pour être mis hors d’état de nuire.


« Tous les actes de notre volonté sont proportionnés à la force des impressions sensibles qui les causent, et la sensibilité de tout homme est bornée. » Chap. xii.

Il fallait dire : « La constance, la patience, la force de souffrir, la résistance à la douleur, » et non pas la sensibilité. « La sensibilité de tout homme est bornée, » signifie qu’il est un degré de souffrance au delà duquel l’homme ne sent plus rien ; et ce n’est pas ici ce que l’auteur a voulu faire entendre.


« On donne aussi la question à un accusé pour découvrir ses complices. » Chap. xii.

L’auteur ne doit pas se dissimuler que c’est ici le fort de la difficulté, et la partie faible de sa réponse. On donne la question à un accusé pour découvrir ses complices, et il est certain qu’on les découvre tous les jours par ce moyen cruel. Tout le monde déteste la question avant la conviction du crime ; mais dans un criminel, ce tourment de plus est nécessaire pour lui arracher, outre l’aveu de ses complices et le moyen de les saisir, l’indication des preuves nécessaires pour les convaincre. La peine du crime est justifiée par la nécessité d’en prévenir de semblables ; si donc le crime est de nature à supposer des complices, comme les vols, les assassinats commis par attroupements, et que, ni les témoins ni les preuves ne suffisent pour démêler le fil de la complicité, la question sera juste comme une autre peine, et pour la même raison.