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pouvoir pas facilement découler de la même source et du même canal d’où l’auteur tire les siennes.

1o C’est que, plus le nombre des contractants actuels, maîtres ou chefs, en quelque société que ce soit, sera petit en comparaison du corps entier, plus la force et la célérité de la puissance exécutrice doivent, pour la sécurité de ces maîtres ou chefs, s’augmenter ; et cela à proportion du nombre de ceux qui sont gouvernés, ou, comme disent les géomètres, en raison inverse de ceux qui gouvernent.

2o C’est que, la partie gouvernée étant toujours la plus nombreuse, on ne peut l’empêcher de troubler la partie qui gouverne qu’en prévenant son concert et ses complots.

3o C’est que, dans les cas où le gouvernement ne porte pas sur une ou deux jambes, il est aisément renversé ; et que par conséquent il importe de prévenir et de punir, par un degré de sévérité et de terreur proportionné au péril, toute entreprise, toute cabale, tout complot, tout concert, qui, plus il serait secret, plus il serait sagement conduit, plus sûrement il deviendrait fatal, du moins aux chefs, si ce n’est à toute la nation, à moins qu’il ne fût étouffé dans sa naissance.

Ceux donc qui proposeraient dans les gouvernements d’une certaine nature de supprimer les tortures, les roues, les empalements, les tenaillements, le fond des cachots sur les soupçons les plus légers, les exécutions les plus cruelles sur les moindres preuves, tendraient à les priver des meilleurs moyens de sécurité, et abandonneraient l’administration à la discrétion de la première poignée de déterminés qui aimerait mieux commander qu’obéir. La cinquantième partie des clameurs et des cabales, qui suffirent à peine au bout de vingt années pour déplacer Robert Walpoole, aurait en moins de deux heures, si on les avait souffertes à Constantinople, envoyé le sultan à la tour noire, et ensanglanté les portes du sérail de la chute des meilleures têtes du Divan.

En un mot, les questions de politique ne se traitent point par abstraction, comme les questions de géométrie et d’arithmétique. Les lois ne se formèrent nulle part a priori, sur aucun principe général essentiel à la nature humaine. Partout elles découlèrent des besoins, des circonstances particulières des sociétés ; et elles n’ont été corrigées, par intervalles, qu’à mesure