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son temps jusqu’à l’âge de vingt-deux à vingt-trois ans, il subit une longue suite d’examens rigoureux, sur lesquels le titre de docteur lui est accordé ou refusé. Ô le grand homme ! ô l’homme étonnant qu’un docteur de Sorbonne ! s’écrierait le Chinois. Eh bien ! le mandarin est un prodige tout semblable à Paris, à s’en rapporter au récit des historiens et des voyageurs. Et pour finir par où nous avons commencé, s’il est vrai que la lutte de l’homme contre la nature soit le premier motif, la raison première de la société, partout où la population surabonde, la nature est la plus forte : la société est dans une lutte continuelle avec elle ; c’est un état où l’on dispute pour son existence, et où l’on n’a guère le temps de s’appliquer à autre chose. Un riche Chinois a des jardins somptueux : qu’est-ce que cela prouve pour le reste de la nation ? Pas plus que les parcs de nos grands seigneurs et les palais de nos financiers ne prouvent ici.


DES MINES.


Si l’homme est étonnant dans les travaux que son courage et son industrie nous présentent à la surface de la terre, il ne l’est guère moins dans ceux qui nous sont dérobés et qu’elle recèle dans ses entrailles : on conçoit que je veux parler de l’exploitation des mines. À quelles conditions tirons-nous cette richesse ou ce poison de la prison où la nature l’avait caché ? À la condition de briser, de percer des rochers à une profondeur immense ; de creuser des canaux souterrains qui garantissent des eaux qui affluent et menacent de toutes parts ; d’élever des forêts coupées en étais dans d’immenses galeries souterraines ; de pratiquer ces galeries, d’en soutenir les voûtes contre l’énorme pesanteur de terres qui tendent sans cesse à les combler et à enfouir sous leur chute les avares audacieux qui les ont construites ; de former des aqueducs ; d’inventer l’étonnante variété de machines hydrauliques et toutes les formes diverses de fourneaux ; de courir le danger d’être étouffé ou consumé par une exhalaison qui s’enflamme à la lueur de la lampe qui dirige le travail, et qui détone subitement avec l’éclair, le bruit et les effets du tonnerre ; de périr au bout de quelques années d’une phthisie qui réduit la vie de l’homme à la moitié de sa durée. On nous apprend bien que Henri l’Illustre, margrave de Misnie,