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vous étiez donc tous donné le mot pour bafouer ce pauvre d’Arcy ?

derville, riant.

Ah ! la bonne figure ! avec ses trois pas en arrière dès qu’on le regarde : le chevalier a raison ; il a toujours l’air de vous laisser passer.

cinqmars.

Voilà comme sont ces messieurs. Les apparences du ridicule les frappent, et voilà un homme jugé. Quoi ! parce que d’Arcy est timide…

derville.

Ah ! parbleu, Cinqmars, convenez que rien n’est plus ridicule que le rôle qu’il a joué pendant tout le repas…

cinqmars.

Je le crois bien ! vous l’avez terrassé avec vos éternelles plaisanteries. Oserais-je vous demander ce qui vous en est resté ?

derville.

Rien, pas la moindre chose. Et voilà pourquoi j’y mets si peu d’importance.

cinqmars.

Eh bien ! mon ami, vous ne m’en diriez pas autant si vous aviez su en tirer parti. Je le connais, moi, cet homme ; et j’en connais fort peu qui le valent.

derville.

Je le crois le plus honnête homme du monde ; mais pour l’esprit…

cinqmars.

Oui, monsieur, oui, pour l’esprit, c’est un homme rare, profond ; et si, au lieu de votre absurde persiflage, vous l’eussiez laissé parler sur vingt matières importantes que vous croyez tous avoir bien approfondies, il vous aurait prouvé, morbleu, comme deux et deux font quatre, que vous ne vous en doutiez seulement pas.

derville.

Cela n’aurait, ma foi, pas été fort plaisant.

cinqmars.

Il faut donc rire absolument ? Vous voilà bien avancé ! vous avez fait de la peine à un honnête homme, vous avez manqué