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CINQMARS ET DERVILLE




CINQMARS et DERVILLE entrent ensemble dans les jardins de l’hôpital ; Cinqmars marche d’un air soucieux ; Derville est à côté de lui.


derville.

D’où vient donc cette retraite précipitée ?

cinqmars.

Laissez-moi.

derville.

Quitter ainsi ses amis au sortir de la table ! au moment où l’on est le plus sensible au plaisir de se voir, et lorsque le chevalier, par des anecdotes charmantes, par des saillies divines, rendait cette journée la plus délicieuse que j’aie passée depuis longtemps !… (Cinqmars le regarde d’un air sombre et mêlé de pitié.) Pour moi, j’ai failli mourir de rire à sa dernière histoire.

cinqmars.

Eh ! mordieu, c’est précisément celle-là qui m’a fait fuir. Les propos, le lieu, le repas, tout m’a déplu… N’avez-vous point honte de rire comme vous avez fait ?

derville.

Moi, honte ! et pourquoi ?

cinqmars., se tournant vers la maison d’où ils sortent.

La maison des pauvres ainsi décorée !… ce jardin… ces allées où nous voici, me déchirent l’âme… Je ne puis plus y tenir. Sortons d’ici.

derville.

Je ne vous comprends pas. D’où vous vient cet accès de misanthropie ? Je ne vous ai jamais vu comme cela. N’étions-