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la Divinité après la mort du pécheur ; moi je pense qu’il est bon de compter sur des peines ou sur des récompenses dans l’autre vie, quand même cette croyance serait une inconséquence. »

Le conte a paru dans l’édition Brière, de 1821, des Œuvres de Diderot[1]. Il n’est dans les Mémoires de Mme d’Épinay que depuis 1865. Ceci n’est point un argument, c’est une simple constatation bibliographique. Mais Rousseau, qui parle avec assez de détails de l’époque de sa vie où il fréquentait chez Mme d’Épinay, ne dit rien de cette faculté de conteur léger qu’on ne lui connaissait pas, et qui ne se serait manifestée que cette seule fois. Il n’a pas non plus recueilli le conte dans ses œuvres, quoiqu’il ne puisse, comme Diderot, être taxé d’indifférence à l’égard de la moindre de ses productions. Nous nous croyons donc autorisé à conclure que c’était sans doute là un de ces morceaux que Diderot lui avait fournis « pour donner à ses écrits un ton dur et un air noir, » et dont il a eu peur de se servir autrement que dans une conversation sans conséquence.


Un jour, un homme se trouva jeté sur le rivage d’une terre étrangère. Elle était habitée d’hommes et de femmes de toutes figures et de tout âge. Après avoir porté ses regards sur les différents objets qui le frappaient, il chercha dans la foule du peuple qui l’environnait[2], quelqu’un qui pût l’instruire des lois et des coutumes ; car le lieu lui plaisait, et il désirait de s’y fixer. Il vit trois vieillards à longue barbe qui causaient à l’écart. Il les aborda, « Voulez-vous bien, messieurs, leur dit-il, m’apprendre où je suis, et à qui appartiennent ces contrées ? Si les mœurs des habitants répondent à la sagesse et à l’ordre que je remarque dans la culture de vos terres, vous êtes gouvernés par le meilleur et le plus grand des princes.

— Rien n’est si aisé que de satisfaire votre curiosité, répondit

  1. Par un oubli dont M. Brière n’a pu nous rendre compte, il n’est pas fait mention de ce morceau dans la table chronologique où sont indiqués par deux étoiles les ouvrages de Diderot imprimés pour la première fois dans son édition. Cela pourrait faire supposer que c’est le collaborateur de M. Brière, M. Walferdin, qui l’a reproduit d’après un manuscrit un peu différent d’ailleurs de celui des Mémoires de Mme d’Épinay qui se trouvaient alors entre les mains de A.-A. Barbier.
  2. Qui l’environnait manque dans la rédaction de Rousseau.