— Cela est assez bien dit, reprit Zambador ; mais il valait encore mieux se taire. Et comment la princesse prit-elle mon procédé ?
— Je ne sais, répondit le prince ; elle fit une mine… »
Zambador en fit une autre, et le prince continua.
« J’interprétai la mine de Lirila ; c’était un embarras qu’on avait souvent avec une femme paresseuse de parler, et je crus qu’il convenait de la rassurer.
— Vous crûtes bien, ajouta Zambador.
— Je lui dis donc que ce n’était point votre habitude ; et que, depuis quarante-cinq ans que vous aviez dépêché la première, pour un coup d’éventail qu’elle avait donné sur la main d’un de vos chambellans, vous n’en étiez qu’à la dix-huit ou dix-neuvième.
— Ah ! mon fils , dit Zambador au prince, ne vous faites pas géomètre ; car vous êtes bien le plus mauvais calculateur que je connaisse. »
Puis s’adressant à la fée : « Madame, ajouta-t-il, vous deviez, ce me semble, lui apprendre un peu d’arithmétique ; c’était votre affaire ; je ne sais pourquoi vous n’en avez rien fait. »
Je me doute que la fée représenta à Zambador qu’on ne savait jamais bien ce qu’on n’apprenait pas par goût ; et que Génistan son fils avait marqué, dès sa plus tendre enfance, une aversion insurmontable pour les sciences abstraites.
« Lirila ne vous dit-elle plus rien ? demanda Zambador à son fils.
— Pardonnez-moi, seigneur, répondit le prince. Elle me demanda si ma mère était morte. « Madame, lui répondis-je, elle jouit encore du jour et de la tranquillité dans un vieux château abandonné sur les rives de la mer, où elle sollicite du ciel, pour mon père et pour vous, une nombreuse postérité ; et il faut espérer que vous irez un jour partager les délices de sa solitude, sans qu’il vous arrive aucun fâcheux accident ; car mon père est le meilleur homme du monde, et à cela près qu’il fait baigner et saigner ses femmes pour un coup d’éventail, il les aime tendrement, et il est fort galant. Madame, ajoutai-je tout de suite, venez embellir la cour du