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de simplicité dans l’ameublement, d’espace en espace des girandoles sur des guéridons, et des glacis de tout côté. À l’instant il reconnut son ancienne demeure, les lieux où il avait passé les premiers et les plus beaux jours de sa vie, et il en pleura de joie ; mais son attendrissement redoubla, lorsque, achevant de parcourir le palais, il découvrit la fée Vérité, retirée dans le fond d’une alcôve, où, les yeux attachés sur un globe, et le compas à la main, elle travaillait à constater la vérité d’un fameux système.

la sultane.

Un prince élevé sous les yeux de Vérité ! Émir, êtes-vous bien sur de ce que vous dites là ? Cela n’est pas assez absurde pour faire rire, et cela l’est trop pour être cru.

le second émir.

L’oiseau blanc vola comme un petit fou sur l’épaule de la fée, qui d’abord ne le remarqua pas ; mais ses battements d’ailes furent si rapides, ses caresses si vives et ses cris si redoublés, qu’elle sortit de sa méditation et reconnut son élève ; car rien n’est si pénétrant que la fée.

la sultane.

Un prince qui persiste dans son gout pour la vérité ! en voilà bien d’une autre ! Peu s’en faut que je ne vous impose silence ; cependant continuez.

le second émir.

À l’instant Vérité le toucha de sa baguette ; ses plumes tombèrent ; et l’oiseau blanc reprit sa forme naturelle, mais à une condition que la fée lui annonça : c’est qu’il redeviendrait pigeon jusqu’à ce qu’il fût arrivé chez son père ; de crainte que s’il rencontrait le génie Rousch (ce qui signifie dans la langue du pays, Menteur), son plus cruel ennemi, il n’en fût encore maltraité. Vérité lui fit ensuite des questions auxquelles le prince Génistan, qui n’est plus oiseau, satisfit par des réponses telles qu’il les fallait à la fée, claires et précises : il lui raconta ses aventures ; il insista particulièrement sur son séjour dans le temple de la guenon couleur de feu ; la fée le soupçonna d’ajouter à son récit quelques circonstances qui lui manquaient pour être tout à fait plaisant, et d’en retrancher d’autres qui l’auraient déparé ; mais comme elle avait de l’indulgence pour ces faussetés innocentes…