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tants l’accueillirent fort mal. Ils s’attroupent autour de lui, et remarquant dans son ramage et son plumage quelque différence avec les leurs, ils tombent sur lui à grands coups de bec, et le maltraitent cruellement. « Ô Vérité ! s’écria-t-il alors, est-ce ainsi que l’on encourage et que l’on récompense ceux qui t’aiment, et qui s’occupent à te chercher ?… » Il se tira comme il put des pattes de ces oiseaux idiots et méchants, et comprit que la difficulté des chemins avait moins allongé son voyage que l’intolérance des passants…


L’émir en était là, incertain si la sultane veillait ou dormait ; car on n’entendait entre ses rideaux que le bruit d’une respiration et d’une expiration alternative. Pour s’en assurer, on fit signe à la chatouilleuse de suspendre sa fonction. Le silence de la sultane continuant, on en conclut qu’elle dormait ; et chacun se retira sur la pointe du pied.


TROISIÈME SOIRÉE.


C’était une étiquette des soirées de la sultane, que le conteur de la veille ne poursuivait point le récit du lendemain. C’était donc au second émir à parler ; ce qu’il fit après que la sultane eut remarqué que rien n’appelait le sommeil plus rapidement que le souvenir des premières années de la vie, ou la prière à Brama, ou les idées philosophiques.

« Si vous voulez que je dorme promptement, dit-elle au second émir, suivez les traces du premier émir, et faites-moi de la philosophie. »


le second émir.

Un soir que l’oiseau blanc se promenait le long d’une prairie, moins occupé de ses desseins et de la recherche de Vérité, que de la beauté et du silence des lieux, il aperçut tout à coup une lueur qui brillait et s’éteignait par intervalles sur une colline assez élevée. Il y dirigea son vol. La lumière augmentait à mesure qu’il approchait, et bientôt il se trouva à la hauteur d’un palais brillant, singulièrement remarquable par l’éclat et la solidité de ses murs, la grandeur de ses fenêtres et la petitesse de ses portes. Il vit peu de monde dans les appartements, beaucoup