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la seconde femme.

On voit par ce monologue que, quoique l’oiseau blanc fût amoureux de la princesse, il ne voulait point du tout être mis à la basilique pour elle, et qu’il eût tout sacrifié pour celle qu’il aimait, excepté la vie.

la sultane.

Et qu’il avait la sincérité d’en convenir. À vous, premier émir.

le premier émir.

L’oiseau blanc allait sans cesse. Son dessein était de gagner le pays de la fée Vérité. Mais qui lui montrera la route ? qui lui servira de guide ? On y arrive par une infinité de chemins  ; mais tous sont difficiles à tenir ; et ceux même qui en ont fait plusieurs fois le voyage, n’en connaissent parfaitement aucun. Il lui fallait donc attendre du hasard des éclaircissements, et il n’aurait pas été en cela plus malheureux que le reste des voyageurs, si son désenchantement n’eût pas dépendu de la rencontre de la fée  ; rencontre difficile, qu’on doit plus communément à une sorte d’instinct dont peu d’êtres sont doués, qu’aux plus profondes méditations.

la sultane.

Et puis, ne m’avez-vous pas dit qu’il était prince ?

le premier émir.

Non, madame ; nous ne savons encore ce qu’il est, ni ce qu’il sera : ce n’est encore qu’un oiseau. L’oiseau suivit son instinct. Les ténèbres ne l’effrayèrent point ; il vola pendant la nuit ; et le crépuscule commençait à poindre, lorsqu’il se trouva sur la cabane d’un berger qui conduisait aux champs son troupeau, en jouant sur son chalumeau des airs simples et champêtres, qu’il n’interrompait que pour tenir à une jeune paysanne, qui l’accompagnait en filant son lin, quelques propos tendres et naïfs, où la nature et la passion se montraient toutes nues.

« Zirphé, tu t’es levée de grand matin.

— Et si, je me suis endormie fort tard.

— Et pourquoi t’es-tu endormie si tard ?

— C’est que je pensais à mon père, à ma mère, et à toi.

— Est-ce que tu crains quelque opposition de la part de tes parents ?

— Que sais-je ?