qu’Amisadar partit au bout de quelques jours pour la campagne, qu’on lui demanda raison de son séjour à la ville, et qu’il raconta son aventure avec ma maîtresse. Car quelqu’un de sa connaissance et de celle d’Amisadar, passant devant notre hôtel, demanda, par hasard ou par soupçon, si madame y était, se fit annoncer, et monta.
« Ah ! madame, qui vous croirait à Banza ? Et depuis quand y êtes-vous ?
« — Depuis un siècle, mon cher ; depuis quinze jours que j’ai renoncé à la société.
« — Pourrait-on vous demander, madame, par quelle raison ?
« — Hélas ! c’est qu’elle me fatiguait. Les femmes sont dans le monde d’un libertinage si étrange, qu’il n’y a plus moyen d’y tenir. Il faudrait ou faire comme elles, ou passer pour une bégueule ; et franchement, l’un et l’autre me paraît fort.
« — Mais, madame, vous voilà tout à fait édifiante. Est-ce que les discours de bramine Brelibibi vous auraient convertie ?
« — Non ; c’est une bouffée de philosophie, une quinte de dévotion. Cela m’a surprise subitement ; et il n’a pas tenu à ce pauvre Amisadar que je ne sois à présent dans la haute réforme.
« — Madame l’a donc vu depuis peu ?
« — Oui, une fois ou deux…
« — Et vous n’avez vu que lui ?
« — Ah ! Pour cela non. C’est le seul être pensant, raisonnant, agissant, qui soit entré ici depuis l’éternité de ma retraite.
« — Cela est singulier.
« — Et qu’y a-t-il donc de singulier là dedans ?…
« — Rien qu’une aventure qu’il a eue ces jours passés avec une dame de Banza, seule comme vous, dévote comme vous, retirée du monde comme vous. Mais je vais vous en faire le conte : cela vous amusera peut-être ?
« — Sans doute, reprit Fanni ; » et tout de suite l’ami d’Amisadar se mit a lui raconter son aventure, mot pour mot, comme moi, dit le bijou ; et quand il en fut où j’en suis…
« — Eh bien ! madame, qu’en pensez-vous ? lui dit-il ; Amisadar n’est-il pas fortuné ?
« — Mais, lui répondit Fanni, Amisadar est peut-être un menteur ; croyez-vous qu’il y ait des femmes assez osées pour s’abandonner sans pudeur ?…