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de nos jours ; mais on les avait à bien meilleur prix. Le prince, voyez-vous, gâte bien des choses. Ah ! si j’étais sultan !

— Si tu étais sultan, répondit vivement un vieux militaire qui était échappé aux dangers de la bataille de Fontenoi, et qui avait perdu un bras à côté de son prince à la journée de Lawfelt, tu ferais plus de sottises encore que tu n’en débites. Eh ! mon ami, tu ne peux modérer ta langue, et tu veux régir un empire ! tu n’as pas l’esprit de gouverner ta famille, et tu te mêles de régler l’État ! Tais-toi, malheureux. Respecte les puissances de la terre, et remercie les dieux de t’avoir donné la naissance dans l’empire et sous le règne d’un prince dont la prudence éclaire ses ministres, et dont le soldat admire la valeur ; qui s’est fait redouter de ses ennemis et chérir de ses peuples, et à qui l’on ne peut reprocher que la modération avec laquelle tes semblables sont traités sous son gouvernement. »

CHAPITRE XV.

les bramines.

Lorsque les savants se furent épuisés sur les bijoux, les bramines s’en emparèrent. La religion revendiqua leur caquet comme une matière de sa compétence, et ses ministres prétendirent que le doigt de Brama se manifestait dans cette œuvre.

Il y eut une assemblée générale des pontifes ; et il fut décidé qu’on chargerait les meilleures plumes de prouver en forme que l’événement était surnaturel, et qu’en attendant l’impression de leurs ouvrages, on le soutiendrait dans les thèses, dans les conversations particulières, dans la direction des âmes et dans les harangues publiques.

Mais s’ils convinrent unanimement que l’événement était surnaturel, cependant, comme on admettait dans le Congo deux principes, et qu’on y professait une espèce de manichéisme, ils se divisèrent entre eux sur celui des deux principes à qui l’on devait rapporter le caquet des bijoux.

Ceux qui n’étaient guère sortis de leurs cellules, et qui n’avaient jamais feuilleté que leurs livres, attribuèrent le prodige à Brama. « Il n’y a que lui, disaient-ils, qui puisse inter-