toutes ses pièces ; l’autre a fait autant d’ouvertures que de pièces ; et toutes passent pour des chefs-d’œuvre. La nature conduisait Utmiutsol dans les voies de la mélodie ; l’étude et l’expérience ont découvert à Uremifasolasiututut les sources de l’harmonie. Qui sut déclamer, et qui récitera jamais comme l’ancien ? qui nous fera des ariettes légères, des airs voluptueux et des symphonies de caractère comme le moderne ? Utmiutsol a seul entendu le dialogue. Avant Uremifasolasiututut, personne n’avait distingué les nuances délicates qui séparent le tendre du voluptueux, le voluptueux du passionné, le passionné du lascif : quelques partisans de ce dernier prétendent même que si le dialogue d’Utmiutsol est supérieur au sien, c’est moins à l’inégalité de leurs talents qu’il faut s’en prendre qu’à la différence des poètes qu’ils ont employés… « Lisez, lisez, s’écrient-ils, la scène de Dardanus[1], et vous serez convaincu que si l’on donne de bonnes paroles à Uremifasolasiututut, les scènes charmantes d’Utmiutsol renaîtront. » Quoi qu’il en soit, de mon temps, toute la ville courait aux tragédies de celui-ci, et l’on s’étouffait aux ballets de celui-là.
On donnait alors à Banza un excellent ouvrage d’Uremifasolasiututut, qu’on n’aurait jamais représenté qu’en bonnet de nuit, si la sultane favorite n’eût eu la curiosité de le voir : encore l’indisposition périodique des bijoux favorisa-t-elle la jalousie des petits violons et fit-elle manquer l’actrice principale. Celle qui la doublait avait la voix moins belle ; mais comme elle dédommageait par son jeu, rien n’empêcha le sultan et la favorite d’honorer ce spectacle de leur présence.
Mirzoza était arrivée ; Mangogul arrive ; la toile se lève : on commence. Tout allait à merveille ; la Chevalier[2] avait fait oublier la Le Maure[3], et l’on en était au quatrième acte, lorsque le sultan s’avisa, dans le milieu d’un chœur qui durait trop à son gré et qui avait déjà fait bâiller deux fois la favorite, de tourner sa bague sur toutes les chanteuses. On ne vit jamais
- ↑ Dardanus, opéra de La Bruère, mis en musique par Rameau, et représenté le jeudi 19 novembre 1739. (Br.)
- ↑ « Son genre était le grand, les fureurs, etc. » Anecdotes dramatiques.
- ↑ « Une des plus belles voix qui aient été entendues à l’opéra ; a quitté le théâtre en 1727 et y reparut en 1730. Elle s’est encore retirée plusieurs fois, et est toujours revenue au grand contentement du public. Mais il en est privé sans espérance depuis 1750. » Id.