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je désirerais interroger le bijou de Manille ; et il serait à propos que l’interrogatoire se fît ici pour l’édification du prochain.

— Prince, si vous m’en croyez, dit Mirzoza, vous épargnerez ce désagrément à la grande sultane : vous le pouvez sans que votre curiosité ni la mienne y perdent. Que ne vous présentez-vous chez Manille ?

— J’irai, puisque vous le voulez, dit Mangogul.

— Mais à quelle heure ? lui demanda la sultane.

— Sur la minuit, répondit le sultan.

— À minuit, elle joue, dit la favorite.

— J’attendrai donc jusqu’à deux heures, répondit Mangogul.

— Prince, vous n’y pensez pas, répliqua Mirzoza ; c’est la plus belle heure du jour pour les joueuses. Si Votre Hautesse m’en croit, elle prendra Manille dans son premier somme, entre sept et huit. »

Mangogul suivit le conseil de Mirzoza et visita Manille sur les sept heures. Ses femmes allaient la mettre au lit. Il jugea, à la tristesse qui régnait sur son visage, qu’elle avait joué de malheur : elle allait, venait, s’arrêtait, levait les yeux au ciel, frappait du pied, s’appuyait les poings sur les yeux et marmottait entre ses dents quelque chose que le sultan ne put entendre. Ses femmes, qui la déshabillaient, suivaient en tremblant tous ses mouvements ; et si elles parvinrent à la coucher, ce ne fut pas sans avoir essuyé des brusqueries et même pis. Voilà donc Manille au lit, n’ayant fait pour toute prière du soir que quelques imprécations contre un maudit as venu sept fois de suite en perte. Elle eut à peine les yeux fermés, que Mangogul tourna sa bague sur elle. A l’instant son bijou s’écria douloureusement : « Pour le coup, je suis repic et capot. » Le sultan sourit de ce que chez Manille tout parlait jeu, jusqu’à son bijou. « Non, continua le bijou, je ne jouerai jamais contre Abidul : il ne sait que tricher. Qu’on ne me parle plus de Darès ; on risque avec lui des coups de malheur. Ismal est assez beau joueur ; mais ne l’a pas qui veut. C’était un trésor que Mazulim, avant que d’avoir passé par les mains de Crissa. Je ne connais point de joueur plus capricieux que Zulmis. Rica l’est moins ; mais le pauvre garçon est à sec. Que faire de Lazuli ? la plus jolie femme de Banza ne lui ferait pas jouer gros. Le mince joueur