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MORCEAU DE DIDEROT
INSÉRÉ DANS LE
DISCOURS SUR L’INÉGALITÉ DES CONDITIONS
PARMI LES HOMMES

DE J.-J. ROUSSEAU.


1754.




On sait, par l’aveu même de Rousseau, que Diderot lui a fourni, lors de ses débuts, un assez grand nombre de morceaux. Il n’est malheureusement pas facile de les reconnaître à des signes certains, et nous nous serions abstenu d’en faire aucune citation si, au moins pour l’un d’eux, nous n’avions une indication formelle de Rousseau. Voici en effet ce qu’il écrivait à M. de Saint-Germain (Monquin, le 1770) : « On peut être un malhonnête homme et faire un bon livre ; mais jamais les divins élans du génie n’honorèrent l’âme d’un malfaiteur ; et, si les soupçons de quelqu’un que j’estimerais pouvaient à ce point ravaler la mienne, je lui présenterais mon Discours sur l’inégalité, pour toute réponse, et je lui dirais : « Lis et rougis. »

Et dans un renvoi au mot Discours sur l’inégalité : « En retranchant quelques morceaux de la façon de Diderot, qu’il m’y fit insérer presque malgré moi. Il en avait ajouté de plus durs encore, mais je ne pus me résoudre à les employer. »

Plus loin, il ajoute : « Tout ce que je puis supposer le plus raisonnablement, c’est qu’ils (Grimm et Diderot) auront fabriqué quelques écrits abominables qu’ils m’auront attribués[1]. Cependant, comme il est peu naturel qu’on les ait crus sur leur parole, il aura fallu qu’ils aient accumulé des vraisemblances, sans oublier d’imiter le style et la main. Quant au style, un homme qui possède supérieurement le talent d’écrire imite aisément, jusqu’à certain point, le style d’un autre, quoique bien marqué : c’est ainsi que Boileau imita le style de Voiture et celui de Balzac à s’y tromper ; et cette imitation du mien peut être surtout facile à Diderot, dont j’étudiais particulièrement la diction lorsque je com-

  1. On ne connaît aucun de ces écrits des persécuteurs imaginaires de Rousseau.