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moquerais à sa place. Je me souviens qu’à l’âge de ces enfants, mes camarades et moi, nous pensâmes démolir un des bastions de ma ville, et passer les vacances de la semaine sainte en prison. Cependant on avouait que, de mémoire de parents, on n’avait pas vu une plus heureuse couvée d’enfants. Je regrette qu’à cette éducation qui préparait des corps robustes, des âmes fortes, courageuses et libres, il en ait succédé une efféminée, pédantesque et roide.

« Vos élèves acquièrent par ces exercices de la force, surtout de l’intrépidité, et une santé à l’épreuve de toutes les intempéries du climat. Ce ne seront pas de malheureux petits hygromètres. Ils sauront opposer un tempérament robuste dans le cours de leur vie aux conjonctures difficiles qui les attendent. Dans la lutte contre la nature, c’est beaucoup de s’être affranchi de l’inclémence des saisons.

« Ce que j’aime encore, c’est que sur un corps robuste ils ne porteront pas une tête rétrécie par le préjugé ; ils n’en avaient point lorsqu’ils sont entrés dans le Corps et ils n’y en recevront point. Sans cesse mêlés, conduits, éduqués par des instituteurs de différentes nations, ils apprendront, sans s’en apercevoir, à distinguer les hommes, non par leur croyance, mais par leurs vertus ; et comme dans les courtes instructions que le pope grec et le pasteur luthérien leur donnent, il n’est question ni de diable ni d’enfer, vos enfants n’auront pas le torticolis des nôtres. »



FIN DU TOME TROISIÈME