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S’IL EST PLUS AISÉ
DE FAIRE UNE BELLE ACTION
QU’UNE BELLE PAGE.


(fragment inédit.)


Page 468, ci-dessus, Diderot a ajouté en note à son manuscrit : « Voyez les dernières pages de cet ouvrage où j’expose les raisons d’une opinion qui peut être contredite. » Voici ces dernières pages, qui nous paraissent n’être autre chose qu’un fragment d’une lettre adressée probablement à la princesse Daschkoff :


… M. le prince Orloff est mon voisin. Je ne l’ai vu qu’une fois et je me suis bien promis de ne le pas voir davantage, à moins que je ne fusse assez heureux pour le servir. J’aime mieux me renfermer dans la bibliothèque de Sa Majesté Impériale et m’occuper de la tâche qu’elle m’a prescrite que de m’exposer aux éclaboussures d’une chaudière qui bout toujours et où il ne cuit rien. Que faire d’un homme qui vous assure l’existence de Dieu et qui vous nie, le moment suivant, la certitude des sens et de la raison ? Qu’il oublie tant qu’il lui plaira qu’il parle à des hommes sensés, il n’y a pas grand mal à cela, mais qu’il ne se souvienne jamais qu’il parle à des hommes libres, c’est une inadvertance qui blesse partout et qui est très-dangereuse dans ce pays-ci. Il part incessamment, et je m’en réjouis pour lui. S’il n’avait le ton dur qu’avec ceux à qui il peut adresser l’injure impunément, ce serait une lâcheté dont je le crois incapable ; s’il le gardait indistinctement avec tout le monde, il ne tarderait pas à en éprouver des suites fâcheuses. Il a vu Rome en cinq jours, il aura vu Paris en quinze, et il en parlera comme