Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, III.djvu/539

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais si l’enseignement embrasse plusieurs objets à la fois, après son moment de honte viendra son moment de triomphe et de gloire, et ses parents s’en retourneront de l’exercice public avec quelque consolation.

Dans nos écoles où l’on n’enseigne pendant cinq ou six ans de suite que les langues anciennes, trois ou quatre élèves supérieurs éteignent toute émulation dans les autres.

Dans le cours de la journée studieuse, chacun des élèves déployant son aptitude naturelle, il n’y en aura aucun qui garde constamment la supériorité, et ils auront tous un motif de s’estimer réciproquement.


DES MAÎTRES.

Un moyen sûr de juger d’une école, c’est de voir si les élèves qu’on y fait promettent un jour de bons maîtres. Si elle conduit à ce terme, elle est bonne, si elle n’y conduit pas, elle est mauvaise.

Quelles sont les qualités à désirer dans un bon maître ? la science approfondie de la matière qu’il doit enseigner, une âme honnête et sensible.

Si la place d’un maître est importante par son honoraire et par son rang distingué entre les conditions de la société, si cet honoraire est toute sa ressource, s’il se déshonore et se ruine en perdant son état, il en aura ou en simulera les vertus. Tirons de l’intérêt et de l’amour-propre ce que nous aimerions mieux tenir d’une bonne nature.

Entre les maîtres point de prêtres, si ce n’est dans les écoles de la faculté de théologie. Ils sont rivaux par état de la puissance séculière, et la morale de ces rigoristes est étroite et triste.

Les embarras du mariage n’empêchent point un ouvrier de travailler, un avocat de suivre le Palais, un magistrat ou un sénateur de vaquer aux affaires publiques ; ils ne seront pas plus gênants pour un maître de quartier ou pour un professeur.

Le professeur et le maître de quartier pourront donc être ou célibataires ou mariés. S’ils ont des enfants, tant mieux, pères de famille, ils n’en seront que plus doux et plus compatissants pour les élèves.