Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, III.djvu/519

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait leurs preuves de probité et de lumières dans la science des lois.

Quel homme plus propre à servir dans le département des affaires étrangères que l’émérite dans le droit naturel et le droit des gens ?

Que peut-on faire de mieux que d’introduire dans le conseil des affaires ecclésiastiques le professeur consommé en droit canonique ?

Qui s’assoira plus utilement à côté du souverain que l’ancien professeur de législation ?

J’abandonne toutes ces vues au jugement de Sa Majesté Impériale, dont la bienfaisance et l’équité seront les meilleurs avocats que le mérite puisse avoir.

Je lui remontrerai seulement qu’il en est, en ce point, de l’éducation publique ainsi que de l’éducation domestique. Un père, une mère qui méprise l’instituteur de son fils l’avilit, et l’enfant est mal élevé ; un souverain qui n’honore pas les maîtres de ses sujets les avilit, les réduit à la condition de pédants, et la nation est mal élevée. Il est rare que l’âme conserve de la dignité et de l’élévation dans un état subalterne qui ne mène à rien d’important.

Mais ce qu’il ne faut point perdre de vue, c’est que les parties d’éducation publique qui paraîtront superflues dans ce moment pourront devenir nécessaires avec le temps ; à mesure que le grand ouvrage de la civilisation s’avancera, les intérêts divers, les relations entre les sujets se multiplieront, et c’est cet avenir que Sa Majesté Impériale doit prévenir par sa sagesse, si elle redoute d’abandonner la suite de ses projets à l’ignorance ou aux caprices de la folie. S’il faut une fermeté, un courage inouïs pour rectifier ce qui a été une fois mal institué, il faut tout son génie pour empêcher que ce qui a été une fois bien institué ne soit détruit ou gâté.

Quand on a son âme grande et son étonnante pénétration, on étend sa sagesse au delà de son existence et l’on règne longtemps après qu’on n’est plus.

S’il y a un souverain en Europe qui puisse former de grands projets et tirer de son fonds la solution à toutes les difficultés qui en empêcheraient ou qui en retarderaient l’exécution, c’est elle. Cependant, comme elle m’a fait l’honneur de me le dire,