Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, III.djvu/489

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

achèvera de se convaincre combien leur connaissance précoce convient peu à la jeunesse.[1]

CARACTÈRE DES AUTEURS GRECS.

Hérodote a écrit neuf livres de l’Histoire des Perses et de l’Égypte ; chaque livre porte le nom d’une Muse. Il est pur et clair et sa dialecte[2] est l’ionique. On l’accuse de n’être ni exact ni véridique.

Thucydide, historien des vingt-huit années de la Guerre de Péloponèse, est serré, avare de mots, plein de sentences, vif et subtil. Sa dialecte est l’attique. La lecture en est pénible, même pour ceux qui possèdent le mieux sa langue[3].

L’orateur Isocrate est élégant et disert ; ce serait vraiment l’auteur des commençants, s’il fallait commencer par là.

Xénophon, le doux Xénophon qu’on appela la Muse attique, a pris l’histoire de son pays où Thucydide l’avait laissée. Historien, philosophe, homme de lettres et général d’armée, il nous a laissé la Retraite des dix mille qu’il avait commandés, l’Éducation de Cyrus et quelques autres ouvrages moraux. C’est le manuel d’un militaire et d’un homme public.

Le janséniste Épictète est aussi dur dans ses maximes que Plutarque dans son style. Qu’on l’apprenne par cœur, j’y consens, mais à l’âge de Marc-Aurèle.

Ce dernier, je veux dire Plutarque, a écrit de la morale, des antiquités, des grands hommes qu’il a comparés. Ce fut le précepteur de Montaigne qui n’était pas un enfant.

J’oubliais Démosthène que l’ordre des temps place après Xénophon. Ce fut le modèle de Cicéron. Qu’il soit donc sans cesse sous les yeux de nos orateurs qui n’auront jamais ni sa

  1. « Nous ne donnerons pas ici cette appréciation des auteurs grecs et latins, qui ne nous a paru ni assez approfondie, ni assez intéressante pour faire pardonner les inexactitudes et même les erreurs graves dont elle est remplie. Nous transcrirons seulement les réflexions placées à la fin de l’examen des auteurs latins. » (Note de M. Guizot.) — Nous donnons cette appréciation, malgré ses erreurs, parce qu’il y a beaucoup plus de vérités que d’erreurs, et qu’il ne s’agit que d’une vue rapide, à vol d’oiseau, qui n’a aucune prétention à être un traité approfondi.
  2. « Dialecte a été d’abord du féminin, suivant le genre que ce mot a dans le grec, d’où il est tiré, et on ne sait pas pourquoi on ne l’a pas laissé féminin. » Littré, Dictionnaire historique de la langue française.
  3. C’est l’avis de Denys d’Halicarnasse, Examen critique des plus célèbres écrivains de la Grèce : sur Thucydide ; ch. xxiv, l et li.