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trop fréquemment et trop fortement inculquée par la vile et funeste prédilection des maîtres pour les enfants des riches et par leur utile sévérité pour les enfants des pauvres.

À proprement parler, une école publique n’est instituée que pour les enfants des pères dont la modique fortune ne suffirait pas à la dépense d’une éducation domestique et que leurs fonctions journalières détourneraient du soin de la surveiller ; c’est le gros d’une nation.


DE L’ENSEIGNEMENT PUBLIC.

Mais des lois propres à la généralité des esprits ne peuvent être des lois particulières ; utiles au grand nombre, il faut nécessairement que quelques individus en soient lésés.

La capacité ou l’incapacité d’un sujet rare par son intelligence ou par sa stupidité décide la sorte d’instruction forte ou faible qui lui convient. La portée commune de l’esprit humain est la règle d’une éducation publique.

La manière d’élever cent étudiants dans une école est précisément l’inverse de la manière d’en enseigner un seul à côté de soi.

Mais si l’objet de l’enseignement et l’étendue des leçons doivent se proportionner à la pluralité, il s’ensuit que le génie qui marche à grands pas sera quelquefois sacrifié à la tourbe qui chemine ou se traîne après lui.

Mais est-ce qu’on élève le génie ? Il suffit qu’une éducation publique ne l’étouffé pas.


QU’EST-CE QUE NOTRE UNIVERSITÉ ?

Qu’était la France sous Charlemagne, l’Angleterre sous Alfred ? Celui-ci fonda les écoles d’Oxford et de Cambridge, qui se sont successivement perfectionnées, mais qui sont encore loin de ce qu’elles pourraient être.

La sottise ou l’intérêt du grand Constantin, qui résigna presque toutes les fonctions importantes de l’État aux prêtres chrétiens, a laissé des traces si profondes qu’elles ne s’effaceront peut-être jamais.

Charlemagne, né dans un temps où lire, écrire et balbutier de mauvais latin n’était pas un mérite commun, fonda notre pauvre