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le prosélyte.

Au témoignage de Dieu ? Est-ce que Dieu parle ? Je croyais que Dieu ne parlait que par ses ouvrages, par les cieux, par la terre, par le moucheron comme par l’éléphant ; et voilà le langage auquel je reconnais la Divinité. Mais Dieu a-t-il jamais parlé autrement ?

le sage.

Oui, il a parlé à ses favoris.

le prosélyte.

À qui ? Est-ce à Zoroastre ? est-ce à Noé ? est-ce à Moïse ? est-ce à Mahomet ? Ils sont une foule qui se vantent que Dieu leur a parlé. Ce qu’il y a de triste, c’est qu’il leur a tenu à tous un langage différent. Lequel croire ! Imposteurs ! pourquoi cherchez-vous à me séduire ? Qu’ai-je à faire de vos prétendues révélations ? N’ai-je pas assez de la voix de ma conscience ? C’est là que Dieu me parle bien plus sûrement que par votre bouche ; qu’il parle uniformément à tous les hommes, au sauvage comme au philosophe, au Lapon comme à l’Iroquois. Vos dogmes trompeurs se succèdent et se détruisent les uns les autres ; la voix de la conscience est toujours et partout la même : ne venez pas, par vos fausses doctrines, obscurcir cette lumière divine. Croyez-vous que si Dieu voulait m’apprendre quelque chose de plus que ce qu’il a gravé lui-même dans mon âme, il irait se servir de vous ? N’est-ce pas lui qui me fait respirer, qui me fait penser ? A-t-il besoin d’organes pour me faire connaître sa volonté ? Allez loin de moi, et craignez que ce Dieu, dont vous osez vous dire les interprètes, ne vous punisse d’avoir emprunté son nom pour me tromper.

le sage.

Croyez-vous en Dieu ?

le prosélyte.

J’ai répondu d’avance à cette question.

le sage.

Croyez-vous qu’il exige quelque chose des hommes ?

le prosélyte.

Ce qu’il exige, il ne le leur fera pas dire par d’autres.

le sage.

Croyez-vous qu’il demande un culte ?