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ce corps : ce que je dis des masses doit être entendu des molécules.

Toute molécule doit être considérée comme actuellement animée de trois sortes d’actions ; l’action de pesanteur ou de gravitation ; l’action de sa force intime et propre à sa nature d’eau, de feu, d’air, de soufre ; et l’action de toutes les autres molécules sur elle : et il peut arriver que ces trois actions soient convergentes ou divergentes. Convergentes, alors la molécule a l’action la plus forte dont elle puisse être douée. Pour se faire une idée de cette action la plus grande possible, il faudrait, pour ainsi dire, faire une foule de suppositions absurdes, placer une molécule dans une situation tout à fait métaphysique.

En quel sens peut-on dire qu’un corps résiste d’autant plus au mouvement, que sa masse est plus grande ? Ce n’est pas dans le sens que, plus sa masse est grande, plus sa pression contre un obstacle est faible ; il n’y a pas un crocheteur qui ne sache le contraire : c’est seulement relativement à une direction opposée à sa pression. Dans cette direction, il est certain qu’il résiste d’autant plus au mouvement, que sa masse est plus grande. Dans la direction de la pesanteur, il n’est pas moins certain que sa pression ou force, ou tendance au mouvement, s’accroît en raison de sa masse. Qu’est-ce que tout cela signifie donc ? Rien.

Je ne suis point surpris de voir tomber un corps, pas plus que de voir la flamme s’élever en haut ; pas plus que de voir l’eau agir en tout sens, et peser, eu égard à sa hauteur et à sa base, en sorte qu’avec une médiocre quantité de fluide, je puis faire briser les vases les plus solides ; pas plus que de voir la vapeur en expansion dissoudre les corps les plus durs dans la machine de Papin, élever les plus pesants dans la machine à feu. Mais j’arrête mes yeux sur l’amas général des corps ; je vois tout en action et en réaction ; tout se détruisant sous une forme ; tout se recomposant sous une autre ; des sublimations, des dissolutions, des combinaisons de toutes les espèces, phénomènes incompatibles avec l’homogénéité de la matière ; d’où je conclus qu’elle est hétérogène ; qu’il existe une infinité d’éléments divers dans la nature ; que chacun de ces éléments, par sa diversité,