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vivantes ne pourraient-elles pas reprendre la vie, après l’avoir perdue, pour la reperdre encore ; et ainsi de suite, à l’infini ?

Quand je tourne mes regards sur les travaux des hommes et que je vois des villes bâties de toutes parts, tous les éléments employés, des langues fixées, des peuples policés, des ports construits, les mers traversées, la terre et les cieux mesurés ; le monde me paraît bien vieux. Lorsque je trouve les hommes incertains sur les premiers principes de la médecine et de l’agriculture, sur les propriétés des substances les plus communes, sur la connaissance des maladies dont ils sont affligés, sur la taille des arbres, sur la forme de la charrue, la terre ne me paraît habitée que d’hier. Et si les hommes étaient sages, ils se livreraient enfin à des recherches relatives à leur bien-être, et ne répondraient à mes questions futiles que dans mille ans au plus tôt : ou peut-être même, considérant sans cesse le peu d’étendue qu’ils occupent dans l’espace et dans la durée, ils ne daigneraient jamais y répondre.