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vos actions n’est pas également innocent. » Alors le vieillard, qui le tenait par l’oreille, lui rappelait toutes les erreurs de sa vie ; et, à chaque article, le jeune Mexicain s’inclinait, se frappait la poitrine, et demandait pardon… Là, madame la maréchale, mettez-vous pour un moment à la place du vieillard, et dites-moi ce que vous auriez fait ? Auriez-vous pris ce jeune insensé par les cheveux ; et vous seriez-vous complu à le traîner à toute éternité sur le rivage ?

LA MARÉCHALE.

En vérité, non.

CRUDELI.

Si un de ces six jolis enfants que vous avez, après s’être échappé de la maison paternelle et avoir fait force sottises, y revenait bien repentant ?

LA MARÉCHALE.

Moi, je courrais à sa rencontre ; je le serrerais entre mes bras, et je l’arroserais de mes larmes ; mais M. le maréchal son père ne prendrait pas la chose si doucement.

CRUDELI.

M. le maréchal n’est pas un tigre.

LA MARÉCHALE.

Il s’en faut bien.

CRUDELI.

Il se ferait peut-être un peu tirailler ; mais il pardonnerait.

LA MARÉCHALE.

Certainement.

CRUDELI.

Surtout s’il venait à considérer qu’avant de donner la naissance à cet enfant, il en savait toute la vie, et que le châtiment de ses fautes serait sans aucune utilité ni pour lui-même, ni pour le coupable, ni pour ses frères.

LA MARÉCHALE.

Le vieillard et M. le maréchal sont deux.

CRUDELI.

Vous voulez dire que M. le maréchal est meilleur que le vieillard ?