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LA MARÉCHALE.

Comment vous y prîtes-vous ?

CRUDELI.

J’ouvris un Nouveau Testament, dont elle s’était beaucoup servie, car il était fort usé. Je lui lus le sermon sur la montagne, et à chaque article je lui demandai : « Faites-vous cela ? et cela donc ? et cela encore ? » J’allai plus loin. Elle est belle, et quoiqu’elle soit très-sage et très-dévote, elle ne l’ignore pas ; elle a la peau très-blanche, et quoiqu’elle n’attache pas un grand prix à ce frêle avantage, elle n’est pas fâchée qu’on en fasse l’éloge ; elle a la gorge aussi bien qu’il soit possible de l’avoir, et, quoiqu’elle soit très-modeste, elle trouve bon qu’on s’en aperçoive.

LA MARÉCHALE.

Pourvu qu’il n’y ait qu’elle et son mari qui le sachent.

CRUDELI.

Je crois que son mari le sait mieux qu’un autre ; mais pour une femme qui se pique de grand christianisme, cela ne suffit pas. Je lui dis : « N’est-il pas écrit dans l’Évangile, que celui qui a convoité la femme de son prochain, a commis l’adultère dans son cœur ? »

LA MARÉCHALE.

Elle vous répondit qu’oui ?

CRUDELI.

Je lui dis : « Et l’adultère commis dans le cœur ne damne-t-il pas aussi sûrement que l’adultère le mieux conditionné ? »

LA MARÉCHALE.

Elle vous répondit qu’oui ?

CRUDELI.

Je lui dis : « Et si l’homme est damné pour l’adultère qu’il a commis dans le cœur, quel sera le sort de la femme qui invite tous ceux qui l’approchent à commettre ce crime ? » Cette dernière question l’embarrassa.

LA MARÉCHALE.

Je comprends ; c’est qu’elle ne voilait pas fort exactement cette gorge, qu’elle avait aussi bien qu’il est possible de l’avoir.

CRUDELI.

Il est vrai. Elle me répondit que c’était une chose d’usage ;