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PRINCIPES DE POLITIQUE
DES SOUVERAINS[1]




I.

Entre les choses qui éblouissent les hommes et qui excitent violemment leur envie, comptez l’autorité ou le désir de commander.


II.

Regardez comme vos ennemis-nés tous les ambitieux. Entre les hommes turbulents, les uns sont las ou dégoûtés de l’état actuel des choses ; les autres, mécontents du rôle qu’ils font. Les plus dangereux sont des grands, pauvres et obérés, qui ont tout à gagner et rien à perdre à une révolution. Sylla inops[2], unde præcipua audacia : « Sylla n’avait rien ; et ce fut surtout son indigence qui le rendit audacieux. » L’injustice apparente ou réelle des moyens qu’on emploie contre eux, est effacée par la raison de la sécurité : ce principe passe pour constant dans toutes les sortes d’État ; cependant il n’en est pas moins atroce de perdre un particulier par la seule crainte que l’on a qu’il ne trouble l’ordre public. Il n’y a point de scélératesse à laquelle cette politique ne conduisît.


III.

Il ne faut jamais manquer de justice dans les petites choses, parce qu’on en est récompensé par le droit qu’elle accorde de

  1. « Il manque à ce titre un mot nécessaire, celui d’absolus ; car ce ne peut être que des despotes que l’auteur parle. » (Depping, B.)
  2. Tacit. Annal. lib. XIV, cap. lvii. (N.)