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Je ne sais pas si le Maillebois[1] a des enfants, mais s’il en a, je gage que c’est un homme de bien qui les élève ; je gage que s’il entendait cet homme leur tenir le langage que vous prétendez qu’un père tient à son fils, il ne lui épargnerait pas les épithètes de malheureux, de gueux et de scélérat, et qu’il ne le souffrirait pas un quart d’heure dans son hôtel. Je gage que si cet instituteur leur avait inspiré le patriotisme, la frugalité, une probité mâle, il n’aurait jamais l’imprudence de lui dire : « J’espérais que mes fils deviendraient à côté de moi des courtisans adroits, et tu ne m’en as fait que des héros et des hommes vertueux. »


CHAPITRE X.


Page 409. — Quelques hommes illustres ont jeté de grandes lumières sur l’éducation, et cependant elle est restée la même.

Ce n’a été ni l’effet de la méchanceté, ni celui de la pusillanimité de ceux qui pouvaient et devaient la réintégrer, à l’expulsion de nos mauvais instituteurs ; c’est une conséquence de leur imbécillité. Ils considérèrent les idées des réformateurs comme des chimères, et ils se prêtèrent à une vieille routine qu’ils regardèrent comme la meilleure. Tâchons de ne pas voir les hommes plus hideux qu’ils ne le sont. Le stupide croit que tout est bien comme il est.

Page 410. — Ici le philosophe Helvétius fait aux hommes courageux et éclairés la même exhortation que je leur ai faite ailleurs[2].

  1. Le comte (Yves-Marie) de Maillebois, général français, fils du maréchal de France du même nom, fut déclaré calomniateur par le tribunal des maréchaux, pour un Mémoire relatif à la bataille d’Hastembeck et dirigé contre le maréchal d’Estrées. Enfermé à Doullens, puis (1757) mis en liberté, il passa la dernière moitié de sa vie à l’étranger. Il mourut à Liège en 1791. Il s’était réfugié dans cette ville, après avoir été décrété d’accusation par l’Assemblée nationale à laquelle il avait été dénoncé comme auteur d’un plan de contre-révolution.
  2. « Le philosophe aperçoit donc, dans un plus ou moins grand lointain, le moment où la puissance adoptera le plan d’instruction présenté par la sagesse. Qu’excité par cet esprit, le philosophe s’occupe d’avance à saper les préjugés qui s’opposent à l’exécution de ce plan. » De l’Homme.