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CHAPITRE VI.


Page 337. — Je veux faire de mon fils un Tartini[1].

J’approuve votre dessein. Mais votre fils a-t-il de l’oreille ? a-t-il de la sensibilité ? a-t-il de l’imagination ? S’il manque de ces qualités que tous les maîtres du monde ne lui donneront pas, faites-en tout ce qu’il vous plaira, mais non pas un Tartini. Mille, deux mille violons ont passé les jours et les nuits les doigts sur les cordes de l’instrument, et ne sont pas devenus des Tartini ; mille, deux mille ont eu le crayon à la main dès l’enfance, et il n’y a encore qu’un Raphaël. Il est bien extraordinaire que jusqu’à présent il n’y ait eu que ce hasard. Mon cher philosophe, voilà votre folie qui vous reprend.

Page 389. — Point d’écoles publiques où l’on enseigne la science de la morale.

Le même homme de jugement, M. Rivard[2], qui introduisit dans nos écoles publiques l’étude des mathématiques et substitua les questions à l’argumentation, s’était proposé d’enseigner, à la place de la mauvaise morale scolastique, de bons éléments du droit public et du droit civil. La chose allait s’exécuter, lorsque la Faculté de droit intervint, prétendant qu’on empiétait sur son district. Qu’en arriva-t-il ? Que le droit public et le droit des gens ne furent enseignés ni dans nos collèges, ni sur les bancs de la Faculté.


CHAPITRE IX.


Page 405. — Si mon fils apprend par l’usage du monde que les principes que je lui ai donnés dans la jeunesse ferment la voie aux honneurs et à la richesse, il y a cent à parier contre un qu’il ne verra dans moi qu’un radoteur absurde, qu’un fanatique austère, qu’il méprisera ma personne, que son mépris pour moi réfléchira sur mes maximes, et qu’il s’aban-

  1. Violoniste célèbre, qui composait, même en dormant, témoin la Sonate du diable.
  2. Professeur de mathématiques et de philosophie au collège de Beauvais. Il a beaucoup écrit. Ses Éléments de mathématiques (1740), ont été longtemps classiques.