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Falconet était venu à Pétersbourg avec un assez grand nombre de tableaux qu’il avait recueillis en Angleterre. L’impératrice les vit et n’en prit que quelques-uns, et à un prix très-modéré, ajoutant à ce sujet que Falconet père serait mécontent, mais qu’il ne considérerait pas que ce n’était pas elle qui payait.

Ibid. — À quel signe reconnaît-on le luxe nuisible ? À l’espèce de marchandise étalée sur les boutiques. Plus ces marchandises sont riches, moins il y a de proportion dans la fortune des citoyens.

Au lieu de dire plus ces marchandises sont riches, il eût peut-être été plus juste de dire : Plus ces marchandises sont mauvaises, et plus elles affichent la richesse ; plus les fortunes sont inégales, plus le luxe de misère est étendu.

Les boutiques où les marchandises sont vraiment riches sont en petit nombre et peu fréquentées. Celles où la richesse apparente des marchandises sert de masque à la misère sont sans nombre.

Page 131. — Qu’on anéantisse la moitié des richesses d’une nation, si l’autre moitié est à peu près également répartie entre tous les citoyens, l’État sera presque également heureux et puissant.

Je doute de l’un et je nie l’autre. Comment resterait-elle aussi puissante, si les nations circonvoisines et rivales ont conservé toute leur richesse ? Comment serait-elle aussi heureuse, si ses jouissances sont moindres ? Et elles le seront de tout ce que la modicité de la fortune ne permettra pas d’appeler à grands frais des contrées éloignées.

On ne boit guère de vin de Bourgogne et de Champagne dans la Suisse. Diminuez la richesse des Suisses de moitié, et l’on y en boira bien moins.

Il faut à une contrée, dit Helvétius (page 132), ou de l’argent, ou les lois de Sparte, ou le danger d’une invasion prochaine. Les lois de Sparte seraient la ruine de la nation, s’il était possible de les y introduire. C’est Helvétius qui le dit. Le danger de l’invasion sera donc d’autant plus grand que la somme de la richesse sera moindre. Comment a-t-il donc pu assurer, paragraphe précédent, que si l’on jetait dans la mer la moitié de notre or, nous n’en serions ni moins heureux ni moins puissants ?

Ibid. — Le crime le plus habituel des gouvernements de l’Europe, c’est leur avidité à s’approprier tout l’argent du peuple.