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attire une troisième dont il soit réciproquement attiré, ces trois molécules se disposeront les unes par rapport aux autres, selon les lois de leurs attractions, leurs figures, etc., et ainsi de suite des autres systèmes et des autres molécules. Elles formeront toutes un système A, dans lequel, soit qu’elles se touchent ou non, soit qu’elles se meuvent ou soient en repos, elles résisteront à une force qui tendrait à troubler leur coordination, et tendront toujours, soit à se restituer dans leur premier ordre, si la force perturbatrice vient à cesser, soit à se coordonner relativement aux lois de leurs attractions, à leurs figures, etc., et à l’action de la force perturbatrice, si elle continue d’agir. Ce système A est ce que j’appelle un corps élastique. En ce sens général et abstrait, le système planétaire, l’univers n’est qu’un corps élastique : le chaos est une impossibilité ; car il est un ordre essentiellement conséquent aux qualités primitives de la matière.

3. Si l’on considère le système A dans le vide, il sera indestructible, imperturbable, éternel ; si l’on en suppose les parties dispersées dans l’immensité de l’espace, comme les qualités, telles que l’attraction, se propagent à l’infini, lorsque rien ne resserre la sphère de leur action[1], ces parties, dont les figures n’auront point varié, et qui seront animées des mêmes forces, se coordonneront derechef comme elles étaient coordonnées, et reformeront, dans quelque point de l’espace et dans quelque instant de la durée, un corps élastique.

4. Il n’en sera pas ainsi, si l’on suppose le système A dans l’univers ; les effets n’y sont pas moins nécessaires ; mais une action des causes, déterminément telle, y est quelquefois impossible, et le nombre de celles qui se combinent est toujours si grand dans le système général ou corps élastique universel, qu’on ne sait ce qu’étaient originairement les systèmes ou corps élastiques particuliers, ni ce qu’ils deviendront. Sans prétendre donc que l’attraction constitue dans le plein la dureté et l’élasticité, telles que nous les y remarquons, n’est-il pas évident que cette propriété de la matière suffit seule pour les constituer dans le vide, et donner lieu à la raréfaction, à la condensation, et à tous les phénomènes qui en dépendent ? Pourquoi donc ne serait-elle pas la cause première de ces phénomènes dans notre

  1. Voyez à ce sujet la note de Diderot, à la fin de ces Pensées.