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d’embonpoint apoplectique sans que sa tête et son esprit ne s’appesantissent. L’état sain ou malsain des organes, durable ou passager, pendant un jour ou pendant tout le cours de la vie, depuis l’instant de la naissance jusqu’au moment de la mort, est le thermomètre de l’esprit.


CHAPITRE II.


Page 13. — L’homme est-il bon ou méchant en naissant ?

Si l’on ne peut donner le nom de bon qu’à celui qui a fait le bien, et le nom de méchant qu’à celui qui a fait le mal, assurément l’homme, en naissant, n’est ni bon ni méchant. J’en dis autant de l’esprit et de la sottise.

Mais l’homme apporte-t-il en naissant des dispositions organiques et naturelles à dire et faire des sottises, à se nuire à lui-même et à ses semblables, à écouter ou négliger les conseils de ses parents, à la diligence ou à la paresse, à la justice ou à la colère, au respect ou au mépris des lois ? Il n’y a que celui qui n’a jamais vu deux enfants en sa vie, et qui n’entendit jamais leurs cris au berceau, qui puisse en douter. L’homme ne naît rien, mais chaque homme naît avec une aptitude propre à une chose.

— Monsieur Helvétius, vous êtes chasseur, je crois ?

— Oui, je le suis.

— Voyez-vous ce petit chien-là ?

— Qui a les jambes torses, le corps bas et long, le museau pointu et les pattes et la peau tachetées de feu ?

— Oui. Qu’est-ce ?

— C’est un basset ; cette espèce a du nez, de l’ardeur, du courage : cela se fourre dans le terrier d’un renard, au hasard d’en sortir les oreilles et les flancs déchirés.

— Et cet autre ?

— C’est un braque. C’est un animal infatigable : son poil dur et hérissé lui permet de s’enfoncer dans les buissons épineux et touffus ; il arrête la perdrix, il chasse le lièvre à voix ; il supplée lui seul à trois ou quatre chiens.

— Et cet autre ?

— Ce sera un des plus beaux lévriers.

— Et ce troisième ?