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RÉFUTATION
SUIVIE
DE L’OUVRAGE D’HELVÉTIUS
INTITULÉ
L’HOMME




TOME SECOND


SECTION V.


CHAPITRE I.


Comment démontre-t-on que la lune est cause du flux et reflux de la mer ? C’est par la correspondance rigoureuse de la variété des marées avec la variété des mouvements de la lune. Or, quelle correspondance plus rigoureuse que celle de l’état de mon corps avec l’état de mon esprit[1] ? Quelle est la vicissitude, si légère qu’elle soit, qui ne passe de mon organisation à mes fonctions intellectuelles ? J’ai mal dormi, je pense mal ; je digère mal, je pense mal ; je souffre, et mon esprit est affaissé ; je recouvre mes forces, et mon esprit sa vigueur. Le vice et la qualité de mon esprit restent ou passent selon que le dérangement de mes organes est constant ou momentané. Il y a même des circonstances singulières où le désordre de mon économie animale profite à mon esprit, et, réciproquement, où le désordre de mon esprit profite à mon corps. Un homme ne prend point

  1. « Ce que je me propose dans l’examen des principales assertions de Rousseau, c’est que toutes ses erreurs sont des conséquences nécessaires de ce principe trop légèrement admis, savoir : que l’inégalité des esprits est l’effet de la perfection plus ou moins grande des organes des sens, et que nos vertus comme nos talents sont également dépendants de la diversité de nos tempéraments. » De l’Homme.