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que Montaigne ; et Charron n’a ni sa hardiesse ni sa couleur.

C’est un véritable système de morale expérimentale dont il ne s’agit que de restreindre un peu les conclusions, ce que tout esprit ordinaire peut faire.

Et pourquoi chicaner cet auteur ? Après tout, les moyens qu’il propose ne sont-ils pas les meilleurs qu’on puisse employer pour multiplier chez une nation les gens de bien et les grands hommes ?


CHAPITRE XXIII.


Page 87. — L’expérience apprend que la crainte de la férule, du fouet ou d’une punition encore plus légère suffit pour douer l’enfant de l’attention qu’exige l’étude et de la lecture et des langues.

L’expérience apprend tout le contraire ; et j’ai vu cruellement écorcher des enfants qui n’en avançaient pas d’un pas de plus dans la lecture et l’étude des langues.

Ibid. — Si l’étude de leur propre langue paraît en général moins pénible aux enfants que l’étude de la géométrie, c’est que…

— C’est que cela n’est pas vrai. Il n’y en a presque pas un qui ne réussisse en géométrie, et tout aussi peu qui réussissent dans l’étude de la langue par principes.


CHAPITRE XXIV.


Page 89. — Les stupides habitants du Kamschatka sont de la plus grande industrie à se faire des vêtements.

Et comment cette industrie leur est-elle venue ? Est-ce le produit d’une année, d’un lustre, de deux ou trois siècles ? Il en est de leurs inventions comme des métiers de la manufacture de Lyon : ces prodiges ne sont point l’ouvrage d’un homme, c’est le résultat de plusieurs générations d’hommes successivement occupés, depuis la fabrique de la toile jusqu’à celle des étoffes qui nous émerveillent, de la perfection d’un même art ; c’est pendant la durée de quelques mille ans qu’une longue suite de stupides se sont tourmentés au Kamschatka pour arriver où ils en sont. Qu’un bras nerveux soulève une énorme masse de