que dans l’animal, dans le bronze même on le fer, qu’on ne puisse détruire ; pas une qualité morale dont une longue contrainte ne vienne à bout dans l’homme.
Toutes les qualités physiques portées à l’excès se perdent. Faites plier un fleuret jusqu’à la garde, il ne se redressera plus. Prenez une verge de fer, exposez-la au feu jusqu’au moment de la fusion, et jetez-la ensuite dans de l’eau fraîche ; je ne doute point que cette opération réitérée ne lui ôte la propriété de se dilater par le chaud et de se resserrer par le froid. Arc-boutez deux ressorts l’un contre l’autre, et ils finiront par ne plus se presser.
L’auteur conseillerait-il de mettre cette violence à l’éducation ? Les exemples de ceux qu’une longue servitude contraire à leur caractère, a brisés, dont elle a ruiné la santé et abrégé la vie, sont-ils bien rares ?
Si au lieu de faire plier ce fleuret jusqu’à la garde, vous vous en escrimez légèrement, loin de détruire son élasticité vous l’augmenterez. Il en est ainsi de l’humeur : la contrainte momentanée l’aigrira.
Les grands reviennent de la cour plus impérieux et plus insolents.
On apprend à danser à l’ours ; mais l’ours qui danse est un animal bien malheureux. On ne m’apprendra jamais à danser.
Il y a des hommes qui ne prennent jamais l’esprit de leur état. Malherbe bourru dans son cabinet, était bourru dans l’antichambre du roi.
Si l’enfant qui naît, naît indifférent à tout vice, à toute vertu, à tout talent, l’éducation doit être une pour tous.
Répondez, monsieur Helvétius, faut-il élever tous les enfants de la même manière ?
— Mais à peu près.
— Et pourquoi à peu près et non pas rigoureusement ?
Au berceau, dans l’école, dans chaque état de la société, à la cour, au palais, à l’église, à la guerre, dans son atelier, dans sa boutique, chaque individu a son caractère.
— C’est que l’éducation n’a pas été la même.
— Elle l’aurait été, que la même diversité subsisterait, en dépit des circonstances, de toutes les leçons et de tous les incidents du hasard.