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puierait d’une infinité de faits qui se présenteraient à sa mémoire ; ce serait une histoire fidèle de toutes les extravagances apparentes qui lui ont passé par la tête. Je dis extravagances ; car quel autre nom donner à cet enchaînement de conjectures fondées sur des oppositions ou des ressemblances si éloignées, si imperceptibles, que les rêves d’un malade ne paraissent ni plus bizarres, ni plus décousus ? Il n’y a quelquefois pas une proposition qui ne puisse être contredite, soit en elle-même, soit dans sa liaison avec celle qui la précède, ou qui la suit. C’est un tout si précaire, et dans les suppositions et dans les conséquences, qu’on a souvent dédaigné de faire ou les observations ou les expériences qu’on en concluait.


EXEMPLES.


XXXII.


premières conjectures.


1. Il est un corps que l’on appelle môle. Ce corps singulier s’engendre dans la femme ; et, selon quelques-uns, sans le concours de l’homme. De quelque manière que le mystère de la génération s’accomplisse, il est certain que les deux sexes y coopèrent. La môle ne serait-elle point un assemblage, ou de tous les éléments qui émanent de la femme dans la production de l’homme, ou de tous les éléments qui émanent de l’homme dans ses différentes approches de la femme ? Ces éléments qui sont tranquilles dans l’homme, répandus et retenus dans certaines femmes d’un tempérament ardent, d’une imagination forte, ne pourraient-ils pas s’y échauffer, s’y exalter, et y prendre de l’activité ? ces éléments qui sont tranquilles dans la femme, ne pourraient-ils pas y être mis en action, soit par une présence sèche et stérile, et des mouvements inféconds et purement voluptueux de l’homme, soit par la violence et la contrainte des désirs provoqués de la femme, sortir de leurs réservoirs, se porter dans la matrice, s’y arrêter, et s’y combiner d’eux-mêmes ? La môle ne serait-elle point le résultat de cette combinaison solitaire ou des éléments émanés de la femme, ou des éléments fournis par l’homme ? Mais si la môle est le résul-