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cipe des actions de l’espèce entière, tandis que ce n’est que le motif des actions de l’homme voluptueux ; et cessez de prendre des conditions primitives, essentielles et éloignées, pour des causes prochaines, et de gâter d’excellentes observations par des inductions absurdes.

Et ne croyez point que je plaisante ; sans un correspondant et un juge commun de toutes les sensations, sans un organe commémoratif de tout ce qui nous arrive, l’instrument sensible et vivant de chaque sens aurait peut-être une conscience momentanée de son existence, mais il n’y aurait certainement aucune conscience de l’animal ou de l’homme entier.

Page 152. — Tous n’éprouvent pas les mêmes sensations, mais tous sentent les objets dans une proportion toujours la même.

Eh bien[1], ce seront des instruments accordés par tierce, par quarte ou par quinte ; quoique l’accord soit le même, les sons rendus seront plus ou moins sourds, plus ou moins aigus. Voilà déjà, ce me semble, une assez grande source de variétés dépendantes de l’organisation.

Mais outre la sensibilité physique commune à toutes les parties de l’animal, il en est une autre tout autrement énergique, commune à tous les animaux et propre à un organe particulier ; soit qu’en effet cette dernière sensibilité ne soit originairement que la première, mais infiniment plus exquise dans cet endroit qu’ailleurs, soit que ce soit une qualité particulière, ce que je ne décide pas : c’est la sensibilité du diaphragme, cette membrane nerveuse et mince qui coupe en deux cavités la capacité intérieure. C’est là le siège de toutes nos peines et de tous nos plaisirs ; ses oscillations ou crispations sont plus ou moins fortes dans un être que dans un autre : c’est elle qui caractérise les âmes pusillanimes et les âmes fortes. Vous feriez grand plaisir à la Faculté de médecine, dont vous seriez le bienfaiteur ainsi que de toute l’espèce humaine, si vous pouviez nous apprendre comment on lui donne du ton quand elle en manque, et comment on lui en ôte quand elle en a trop. Il n’y a que l’âge qui ait quelque empire sur elle ainsi que sur la tête. C’est grâce à sa diversité qu’au même moment où je suis transporté d’admira-

  1. Ce paragraphe est cité en entier dans les Mémoires de Naigeon.