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La substitution de la déesse Renommée[1] à la sainte Vierge est une chimère qui ne se réaliserait pas dans mille ans.

La réunion du titre de Summus Pontifex et d’Imperator ne me paraît pas sans conséquence fâcheuse[2].

Ce serait un grand mal qu’un médecin fût prêtre ; c’en serait peut-être un bien plus grand qu’un prêtre fût roi.

Je hais tous les oints du Seigneur sous quelque titre que ce soit.

Le prêtre (dites-vous) sera toujours en lui subordonné au souverain.

D’où savez-vous cela ? Pouvoir s’autoriser du nom de Dieu pour faire le mal, cela est bien commode.

Tenez, monsieur Helvétius, c’est que Dieu est une mauvaise machine dont on ne peut rien faire qui vaille ; c’est que l’alliage du mensonge et de la vérité est toujours vicieux, et qu’il ne faut ni prêtres, ni dieux.

Page 59. — Que le magistrat soit revêtu de la puissance temporelle et de la puissance spirituelle, et toute contradiction entre les préceptes religieux et les préceptes patriotiques disparaîtra.

Oui, si le magistrat est toujours un homme de bien. Mais si c’est un fripon, comme c’est le cas ordinaire, il n’en sera que cent fois plus puissant et plus dangereux.

L’auteur termine le chapitre XV par cette conclusion intrépide : que l’inégalité apparente entre l’esprit des divers hommes ne peut être regardée comme une preuve de leur inégale aptitude à en avoir.

Il me semble que tout infectés des mêmes préjugés et soumis à la même mauvaise éducation, si l’on aperçoit de l’inégalité entre les esprits c’est à l’inégale aptitude à en avoir qu’il faut la rapporter.

Page 60. — Ici l’auteur me paraît tourmenté de quelque scrupule. Quelle que soit l’éducation nationale, on ne fera pas (dit-il) des gens de génie de tous les citoyens.

  1. « Chacun honorait dans les bardes les distributeurs de la gloire et les prêtres du temple de la Renommée… Que chez un peuple la raison soit tolérée, elle substituera la religion de la Renommée à toute autre. » De l’Homme.
  2. « La réunion des puissances temporelle et spirituelle dans les mêmes mains est indispensable. » De l’Homme.