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une plus constante, plus incurable que la faiblesse ou quelque autre vice d’organisation ?

S’il laisse prendre trop d’avance ? Et n’y a-t-il pas des enfants naturellement avancés ou retardés ?

Et rien n’est-il plus décourageant pour un enfant que de suppléer par le travail à la facilité qui lui manque ? et n’est-ce pas alors que le châtiment est injuste, et souvent même impuissant ?

Page ibid. — C’est l’émulation qui crée les génies, et c’est le désir de s’illustrer qui crée les talents.

Mon cher philosophe, ne dites pas cela ; mais dites que ce sont les causes qui les font éclore, et personne ne vous contredira.

L’émulation et le désir ne mettent pas le génie où il n’est pas.

Il y a mille choses que je trouve tellement au-dessus de mes forces, que l’espérance d’un trône, le désir même de sauver ma vie ne me les feraient pas tenter ; et ce que je dis dans ce moment, il n’y a pas un seul instant de mon existence où je ne l’aie senti et pensé.


CHAPITRE VII.


Page 22. — Le hasard a la plus grande part à la formation du caractère.

Mais à trois ans un enfant est sournois, triste ou gai, vif ou lent ; têtu, impatient, colère, etc. ; et dans le reste de sa vie, le hasard se présenterait sans cesse avec une fourche, qu’il repousserait la nature sans la réformer : Naturam expellas furcâ, tamen usque recurret.

Page 23. — Les caractères les plus tranchés sont quelquefois le produit d’une infinité de petits accidents.

C’est une grande erreur que de prendre la conduite d’un homme, même sa conduite habituelle, pour son caractère.

On est naturellement lâche, on a le ton et le maintien d’un homme brave ; mais est-on brave pour cela ?

On est naturellement colère, mais la circonstance, la bienséance de l’état, l’intérêt commandent la patience, on se contient ; est-on patient pour cela ?